Je me souviens du jour où tout a commencé. Un coup de fil de France alors que j’étais en Espagne. « Tu es acceptée à Grenoble« et mes larmes de joie de jeune fille : j’allais enfin changer de vie et quitter Montpellier. Je me souviens de cette première fois, en voiture, avec ma maman et la route qui défile. Le ciel bleu, l’angoisse et l’arrivée en retard. L’attente de longues heures pour enfin avoir cette petite clé, celle de ma première chambre d’étudiante dans une cité universitaire pas franchement propre ni jolie, mais synonyme de liberté, liberté chérie.
Je me souviens de ce premier jour de rentrée à l’IUT, sous la pluie. Le grand amphi, ces dizaines de visages inconnus, ma boule au ventre et mon envie de sauter dans le premier train pour Montpellier. Les premières rencontres, les premiers sourires, les premières soirées et toutes celles qui ont suivi. Les copines, les copains si proches, mes colocataires qui se suivaient sans se ressembler. Mes appartements différents, ma petite maison du bonheur. Mes années d’étudiante fauchée, souvent mal dans sa peau et un poil paumée. Mes leçons de vie, mes claques dans la gueule et le bonheur d’être aussi entourée. Par ces inconnus qui sont devenus des amis, des proches, des plus proches que certaines personnes de ma famille.Je me souviens de cette première vie à deux et de notre petit appartement, où on était les rois du monde. De notre appartement « de papa », plus grand, quelques mois après. Le bonheur de cette vie là, routinière et tellement rassurante. La lumière qui filtrait à travers les fenêtres le matin et qui inondait tout. La vue sur les montagnes et les couchers de soleil. Et puis il y a eu cet appartement, seule, Crumble et moi, et ces murs beaucoup trop blancs. La première vie d’adulte seule et terrifiante. Ces soirées sur mon canapé à me demander ce que j’allais devenir. A laisser les fenêtres ouvertes pour écouter le bruit de la ville, les sirènes au milieu de la nuit ou au petit matin, les éclats de voix des passants pour ne pas être tout à fait seule. Ce nouveau chez-moi que j’ai apprivoisé et appris à faire vivre. Puis il y a eu ces rires, ces visites, et ces week-ends grenoblois en amoureux qui me réchauffaient le cœur. Cet appartement que j’ai aimé, si fort ! Et que je regrette presque déjà.
Je me souviens de mes premiers jours au travail, les rencontres avec ces gens qui ont fait mon quotidien pendant plus de 3 ans. Leur bienveillance et leur soutien. Leurs sourires et leur aide, parfois à demi-mots. Les éclats de rire et les coups de gueule, l’équipe soudée qu’on était. La difficulté de refermer cette porte de bureau pour la dernière fois et de dire au revoir à mon bureau tant aimé.
Je me souviens de ces dizaines d’allers-retours entre Paris et Grenoble, les séparations sur les quais de gare, la gorge serrée et les comptes à rebours, toutes les semaines pour savoir quand… Quand on recommencera, mais surtout quand on arrêtera pour de bon.
Il y a quelques jours, dans mon train qui me conduisait de Paris à Grenoble, définitivement, je me suis souvenue de tout ça. Mon arrivée d’étudiante, mes amitiés folles, mon premier amour stable, mon premier boulot, la complexité des relations à distance. De tous ces détails qui ont fait le quotidien de ces 8 ans dans cette ville. J’ai eu la gorge serrée de refermer cette page de mon histoire, de ma vie de jeune adulte qui a dû apprendre à se construire, lentement mais sûrement. Des détails heureux, d’autres moins, des détails qui bouffent mon cœur de nostalgie.
Je suis partie vers de nouvelles aventures, vers d’autres bras, dans une autre vie et je meurs d’impatience de vivre ce qui m’attendra. Parce que je sais que j’ai grandi et que je continuerai à grandir. J’ai pas bien réussi à retenir mes larmes quand le train a démarré mais je vous assure que quand j’ai posé les pieds à Paris ainsi que ma montagne de valise, je souriais plus que jamais. A moi la nouvelle vie ! En attendant, je garde en mémoire tout ce qui a fait que j’ai aimé celle ville, et que je l’ai appelé « Home » un jour.
L’IUT et ses salles maudites du 4ème étage / Les bars que l’on écumait / Les soirées dans nos appartements / Les rires / Ces années d’études et tout ce qui allait avec / Mes appartements de colocation et ces personnes si différentes avec qui j’ai vécu / Ces stages étonnants / Ces rencontres impromptues / La peau de quelques amants / Les sourires des amies / Ces virées improvisées à la campagne ou à la montagne / Aller travailler en bulles à la Bastille / Le gâteau au chocolat de ma boulangerie préférée / Mes itinéraires, toujours les mêmes / Mon salon de thé préféré où j’ai dû boire 1001 thés / La lumière rosée sur les montagnes au coucher du soleil / Ces balades en moto / Le vent dans mes cheveux et la liberté folle / Le marché de l’Estacade le dimanche et les bons petits plats en rentrant / La vue sur les montagnes, toujours / Les premiers flocons de neige de l’hiver et la joie folle / La foire et les peluches / Les brocantes et les descentes chez Emmaüs / Les bruits de la ville, les sirènes des pompiers et les ambulances la nuit / Les sourires, les sourires, les sourires ! / Ma première ville à moi, que j’ai dû apprivoiser et apprendre à aimer.
Et maintenant ? A nous deux Paris ! Et je vous le dis, rien qu’à y penser, j’ai des papillons dans le ventre !
(Pardon pour cet article un peu plus personnel que les autres, mais…)

